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Sem a flirté avec, à peu de choses près, tous les média de son époque, y compris le cinéma.
Qui a eut un jour l’idée folle de le choisir comme acteur et de plus pour y interpréter le rôle de Marat ? On se doute bien que le petit homme avait de l’esprit, de la faconde, une cinglante répartie et beaucoup d’entregent… mais aucune ressemblance.
Coup publicitaire des producteurs ou véritable envie des entrepreneurs ?

En novembre 1922, Sem recevait la proposition de G. Lenôtre1 et Chelles2 pour interpréter Marat dans un film historique : Charlotte Corday et Marat. Loin de refuser le projet, curieux de cette nouvelle expérience, il resta ouvert à la proposition et laissa venir les événements. Ce n’est qu’après quelques échanges de courrier ou les conditions différaient, sur les 10 jours initiaux de tournage, il lui était demandé, toujours pour une somme forfaitaire de 25.000 francs, de rester à disposition jusqu’à la réalisation finale du film. Réticence de Sem sur cette plus grande disponibilité pour le même cachet, les 10 jours pouvaient se doubler, voire plus, en cas de problèmes.

Les discussions durèrent près de deux ans après quoi le projet fut enterré faute de financement.

Matin

Ce n’est qu’en 1931, dans un article sous-titré « Moi aussi j’ai tourné dans un film… J’ai joué Marat… »3, que l’on apprends que Sem « aurait » tourné des bouts d’essai : « Va pour Marat ! J’accepte en principe... Et plus tard je signe même un contrat… On tourne, on tourne... Il existe je ne sait combien de mètres de celluloïd imprimé où je reparais à tout bout de champs. Seulement voilà… On ne trouva pas l’argent qu’il fallait pour mener à bien cette entreprise… de sorte que… Mais j’y pense, ajoute Sem ; il faut que je sache ce que sont devenus les bouts d’essai que j’avais tournés, ça m’intéresserait de les revoir… »

Et nous donc.
Loos

La deuxième tentative date de 1926 avec un film amateur de l’illustrateur américain Ralph Barton.
Il s’agit de Camille, une variante contemporaine de La Dame aux camélias. Une pochade de fin de party entre gens de la bonne société cosmopolite, des arts et des lettres qui tient plus du défilé et du bal masqué que d’une véritable histoire.
On y trouve Anita Loos, célèbre pour son best seller Les Hommes préfèrent les blondes4, dans le rôle titre, une courtisane qui voit défiler une cohorte d’amants.



Figurent au générique, les comédiens : Paul Robeson (Alexandre Dumas fils), Sacha Guitry et Yvonne Printemps, Charlie Chaplin (qui fait du Charlot), Ethel Barrymore, Lois Moran, Lili Darvas, Patsy Ruth Miller, Dorothy Gish, Carmel Myers, Chauncey Olcott, Aileen Pringle, Julia Hoyt, Roland Young, Pauline Starke, Nikita Balieff, Fanny Ward, Richard Barthelmess, James Rennie ; l’éditeur Alfred Knopf ; les écrivains et dramaturges Paul Morand, Paul Claudel, Édouard Bourdet (et Denise Bourdet), Jacques Copeau, Somerset Maugham, H. L. Mencken, Sinclair Lewis, Theodore Dreiser, Joseph Hergesheimer, Ferenc Molnár, Sherwood Anderson ; les metteurs en scène Max Reinhardt, Rex Ingram, John Emerson, Frank Keenan ; le producteur Morris Gest ; La chanteuse Marie-Blanche de Polignac (princesse), le sultan du Maroc ; l’avocat Clarence Darrow ; le critique George Jean Nathan et les peintres-illustrateurs : Georges Lepape, Bernard Boutet de Monvel, Sem (l’archevèque de Canterbury), Donald Freeman, Charles G. Shaw et Zéna Naylor (maîtresse à l’époque de Ralph Barton), etc.

Chaplin

Un court métrage de 26 minutes, avec intertitres bilingues Anglais/Français, tourné à New York, que l’on peut trouver dans un coffret Charlie Chaplin à la suite de A woman of Paris (L’Opinion publique), chez MK2 et sur Youtube. Sem y apparaît fugacement à la 4e minute de la 3e partie.

Comme beaucoup de gens de l’époque, Sem n’aimait pas le parlant, il est vrai qu’il n’en était qu’aux balbutiements… leur préférant les comédies ou grandes fresques historiques muettes. Ses films préférés étaient : La Ruée vers l’or (Chaplin, 1925), les films de Douglas Fairbanks, Ben Hur (de Fred Niblo, 1925), Ombres blanches (W. S. Van Dyke, 1928), et dans ceux qu’il venait de voir : Le Roi des resquilleurs (Pierre Colombier, 1931), Le Million (René Clair, 1931) et The Big house/Révolte dans la prison, (version française de Paul Fejos, adaptation de Yves Mirande, 1931).
Duchesse

La troisième proposition vint justement par son ami Mirande qui lui proposa le rôle d’un épicier, clin d’œil à sa destination première, dans Tu seras duchesse. On n’échappe pas à son image et encore moins à ses amis.
Un vaudeville réalisé par René Guissard avec dans les rôles principaux Fernand Gravet et Mary Glory, film parlant, Paramount de 1932. Un père ambitieux et calculateur projette de marier sa fille au riche duc de Barfleur, le père ce dernier s'y oppose. Qu'à cela ne tienne, elle épousera le marquis André de la Cour, dont la santé est vacillante. Ainsi, veuve et marquise, elle pourra enfin épouser le jeune duc. D’où le leitmotiv du père : « Tu seras duchesse ! ». Mais le marquis retrouve miraculeusement la santé, et tel est pris qui croyait prendre, l’amour triomphe. Le père est tombé dans le stratagème des deux amoureux de longue date.

La quatrième et ultime proposition vint au crépuscule de sa vie. Il avait donné son accord pour Les mains de Paris, réalisé pour la César-Films. Un documentaire sur les artistes et l’intelligence de leurs mains, il y réunissait des sculpteurs, musiciens (Louis Vierne, organiste à Notre-Dame de Paris), artisans dont Sem parmi les peintres et dessinateurs. Sem déjà souffrant, dès le printemps, avait repoussé le tournage, ce qui n’avait pas grande incidence sur le tournage. Vint le temps ou les autres mains étaient en boîte, la santé se Sem fléchissait et il s’éteignit en novembre, sans qu’il puisse y participer. Le film fut projeté en salle mais on possède à l’heure actuelle de peu de renseignements, Sem fut-il remplacé, qui étaient les autres disciplines et leurs mains ?

N’oublions pas les reprises des silhouettes de Sem au Bois au générique de Gigi de Vincente Minnelli (1958), d’après Colette, avec Leslie Caron, Louis Jourdan et Maurice Chevalier.5

 François San Millan


1) G. Lenôtre, de l’Académie française, de son vrai nom Louis Léon Théodore Gosselin, passe pour être le meilleur conteur de l’Histoire de France. G. Lenôtre et Henri Lavedan, qui avaient déjà commis ensemble la pièce Varennes (1904), s’occupaient au sein de la société Film d’Art, de réunir des manuscrits en vu de leur réalisation. L’épisode de Charlotte Corday était déjà dans leurs projets dès 1908.
2) Chelles (tout court, sans prénom)… sans doute le metteur en scène prévu pour ce film. Il existe un directeur de la photo, du même nom, pour L’Affiche (1924) de Jean Epstein. Serait-ce le même ?
3) « L’humoriste Sem et le cinéma », par Michelle Deroyer, Pour vous cinéma n° 142, supplément de l’Intransigeant, 6 août 1931.
4) Illustré par Ralph Barton (1891-1931), dessinateur pour Vanity Fair, Judge, Life, The New Yorker, Gentlemen Prefer Blondes, But Gentlemen Marry Brunettes, de Anita Loos et Droll stories, de Balzac.
5) Dominique et Martin Beauchamps nous signalent d'autres apparitions des planches de Sem dans : César et Rosalie, de Claude Sautet et Le Charme discret de la bourgeoisie de Luis Buñuel et tout dernièrement Jean-Pierre Doche dans le téléfilm L'Enchanteur qui relate un épisode de la vie de Gary/Ajar...
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spot Conception François San Millan et Martin Gouyou-Beauchamps